Julia, 4 ans, fait de grosses colères et veut tout décider. « On va devoir casser son petit caractère à celle-là » me dit son père. « Sinon elle risque de nous monter sur la tête bientôt. » Vincent, 8 ans, est un enfant avec « du gaz d’avion » comme j’appelle ces enfants très énergiques qui bougent beaucoup. Son enseignante et ses parents ne cessent de lui dire qu’il doit être calme et arrêter de bouger. Anouk, elle, est une enfant au tempérament introverti et rêveur, elle passe des heures à dessiner en chantonnant. Ses parents multiplient les efforts afin de l’intéresser davantage aux sports et se plaignent qu’elle n’est pas assez sociable.
Lors de mes interventions en coaching familial, je demande fréquemment aux enfants ce qu’ils croient que leurs parents attendent d’eux. Trop souvent, le portrait qu’ils me décrivent est exactement à l’opposé de ce qu’ils sont. Or, Julia est douée pour l’affirmation de soi et a une personnalité de leader, Vincent est dynamique, il sera peut-être un futur sportif d’envergure et Anouk deviendra possiblement une artiste épanouie. Si, bien sur, on les laisse être eux-mêmes.
Depuis que je suis toute petite, je parle beaucoup. Je parlais couramment et discourais du matin au soir dès l’âge de 2 ans et chacun de mes bulletins scolaires portaient la mention : « Parle en classe, dérange les copains. » Bien entendu, j’ai dû apprendre à me taire parfois et parler aux bons moments mais si mes parents m’avaient répété sans cesse de me taire je ne serais certainement pas conférencière aujourd’hui. Au contraire, ils ont saisi toutes les occasions de me donner la parole, ont écouté mes opinions, m’ont impliquée dans l’animation de soirées et m’ont poussé à donner ma première conférence dès l’âge de 9 ans.
« Tout le monde est un génie ; mais si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper aux arbres, il passera sa vie à croire qu’il est stupide » – Albert Einstein
Les parents d’aujourd’hui veulent parfois être tellement bons dans leur rôle qu’ils perçoivent leur enfant comme leur « bulletin de parents ». S’ils constatent que celui-ci ne correspond pas à l’image de l’enfant sage, ils se remettent rapidement en question. Ainsi, pour être un bon parent, il faudrait « fabriquer » un enfant… :
- sage, mais sociable. Il ne doit pas être le clown de la classe, mais il doit être populaire, avoir beaucoup d’amis sans toutefois être influençable ni trop leader…
- élève modèle et studieux, qui a de bonnes notes, qui fait ses devoirs sans rechigner, mais qui est aussi sportif. C’est important l’activité physique! Au point où on en est, Il devrait aussi performer dans son équipe de soccer. S’il se traîne les pieds, nous aurons l’impression d’avoir éduqué un paresseux. Il doit donc être calme et obéissant dans une classe, mais énergique et audacieux sur un terrain de soccer!
- obéissant rapidement aux adultes. Il doit être docile lorsque ses parents ou l’enseignante lui donnent des consignes, et ce, même s’il n’est pas d’accord. Mais, il doit, en même temps, s’affirmer devant les copains et se défendre quand il est confronté aux intimidateurs. Nous voulons qu’il prête ses jouets à son petit frère et joue avec lui même s’il n’en a pas envie, mais nous ne voudrions surtout pas qu’il devienne le « mouton » de la cour d’école. « Ne te laisse pas faire », lui dit-on lorsqu’il nous parle du petit caïd qui tente de lui voler sa place dans le rang. Puis cinq minutes plus tard, nous lui disons : « Cesse de faire pleurer ta sœur. Laisse-lui donc ton camion. »
- exprimant ses opinions et faisant valoir son point de vue à ses camarades bien que nous détestions qu’il argumente sur nos règles et nos consignes.
Bref, nous voudrions que nos enfants aient toutes les qualités, sans avoir les défauts ou les inconvénients liés aux traits de caractère. Et nous croyons que nous sommes les seuls responsables de ce qu’ils deviennent. Les enfants ne sont pas de la pâte à modeler! Il ne suffit pas de les façonner d’une certaine manière pour qu’ils se dirigent dans telle ou telle direction, pour qu’ils deviennent ce que nous avions prévu! Ceux qui ont plusieurs enfants le savent bien : quatre enfants éduqués de la même façon deviendront quatre adultes complètement différents.
Éléments qui déterminent la personnalité La personnalité d’un individu, adulte ou enfant, se construit à partir de plusieurs éléments que j’ai regroupés en trois points que j’appelle « la règle des tiers. »
1 – 1/3 Le « kit de base », c’est-à-dire les éléments innés chez l’enfant. Son tempérament à la naissance (anxieux, enjoué, patient, agité, etc.), son type d’intelligence (QI, intelligence émotionnelle, type analytique, type concret, etc.), son style d’apprentissage prédominant (visuel, auditif, kinesthésique), ses particularités neurologiques (sensibilité sensorielle, déficit d’attention, problèmes de santé mentale, etc.). On parle alors principalement des gènes de l’enfant.
2- 1/3 Ses parents ou comment il a été éduqué (les règles, les valeurs, l’affection reçue, l’image projetée par ses parents, etc.) Ici, il faut voir comment les parents réagissent au « kit de base » de l’enfant en fonction de leur propre personnalité. Ainsi, un parent réservé qui éduque un enfant au tempérament opposant et audacieux risque d’avoir parfois du mal à adapter ses interventions.
3- 1/3 Son environnement et les événements : ses amis, son école, son quartier, ce qu’il voit à la télévision ou autour de lui, les sports qu’il pratique et avec qui, etc. L’entourage influence nécessairement le développement de la personnalité. Les événements marquants de sa vie (séparation des parents, mort d’un proche, pauvreté, voyages, déménagements, médaille gagnée, la fois où tout le monde a ri de lui lors d’un exposé oral, la fierté qu’il a ressentie lorsqu’il a fabriqué un tacot avec son père, etc.).
Tous ces aspects sont liés et s’influencent les uns les autres. Ainsi, un enfant qui aurait les meilleurs parents du monde peut avoir des troubles de comportement s’il vit des bouleversements majeurs et qu’il est entouré de voyous ou de drogués dans son quartier. Par contre, s’il a un tempérament fort et indépendant, il ne réagira pas de la même façon qu’un enfant souffrant d’insécurité ou opposant. OUF! Il faut donc tenir compte de tout ça dans notre façon de l’éduquer… Pas étonnant que parfois nous ne sachions plus à quel saint nous vouer…
Comme parent, nous devons adapter l’encadrement des enfants en fonction du tempérament de chacun (certains ont besoin d’un cadre très rigide alors que d’autres vont réagir négativement par rapport à un excès de contrôle et mieux lorsque nous leur faisons confiance. Ils auront aussi besoin de davantage de soutien dans certaines périodes.
Respecter l’enfant
Il convient donc d’observer notre enfant afin de tenter de mieux saisir qui il est et ce, de façon à répondre à ses besoins particuliers. Dans une même famille, il se peut donc qu’il y ait des enfants aux besoins différents. Ce sera alors notre rôle de parents d’adapter notre façon de faire afin de répondre aux besoins de chacun.
- L’enfant de type anxieux aura besoin d’un encadrement clair et très constant alors qu’un autre enfant pourra bénéficier de davantage de souplesse en ce qui concerne les règles et routines.
- Certains enfants manifestent un besoin important de bouger, alors que d’autres auront davantage besoin de calme et de tranquillité après une journée à l’école.
- Lorsqu’on veut aider un enfant à comprendre et à intégrer quelque chose, nous devons tenir compte de son mode d’apprentissage :
- Les auditifs auront davantage besoin que nous leur expliquions les choses. Ils ont besoin de comprendre;
- Les visuels auront davantage de facilité à saisir des concepts si nous utilisons des images, des pictogrammes (ex. : routines illustrées) et des exemples qui leur permettront de se créer des images mentales;
- Les kinesthésiques apprennent par l’expérience; ils auront besoin que nous fassions des exercices concrets avec eux, des mises en situation ou des expériences.
Il faut aussi cesser de tenter de modifier la personnalité de notre enfant. Au contraire, nous devons l’aider à s’accepter tel qu’il est et à utiliser ses traits distinctifs de façon positive.
- Ainsi, l’enfant actif n’est pas seulement turbulent, il est aussi dynamique et souvent travaillant. Plutôt que de lui demander d’être sage, il serait préférable de lui donner quelque chose à faire, de l’utiliser en classe comme commissionnaire, etc.
- Plutôt que de multiplier des mesures punitives envers l’enfant qui fait le clown en classe, pourquoi ne pas l’inscrire à des cours de théâtre ou le mettre à contribution afin qu’il donne un coup de main aux autres ou qu’il vienne expliquer quelque chose au tableau?
- Quant à l’enfant lunatique, c’est souvent un grand rêveur, très créatif. Aidez-le à développer ce talent en l’aidant à écrire les histoires fantastiques qui peuplent son imaginaire plutôt que de s’acharner à en faire un être rationnel!
Je sais, ce n’est pas facile. S’adapter aux besoins individuels des enfants, en particulier lorsque nous en avons plusieurs, demande beaucoup d’énergie. Il serait plus facile de les traiter tous de la même façon. Mais en fin de compte, un enfant heureux et épanoui est bien plus agréable à côtoyer qu’un jeune qui se sent à l’étroit dans un moule qui ne lui convient pas!
Nancy Doyon,
Coach familial,
Présidente SOS Nancy
Merci beaucoup pour cette publication très intéressante, même si je le sais au fond de moi, il est toujours intéressant d’avoir des rappels et des explications sur les alternatives éducatives pour nous enfants, cette nouvelle génération qui est l’avenir
Attention lunatique ne signifie aucunement être dans la lune comme l’auteure semble le croire mais cela signifie changer trop souvent d’humeur!
Merci
afad littoral
merci beaucoup pour cette publication
Tes articles sont toujours intéressants et plein de gros ben sens 😉